dimanche 15 février 2015

C'est promis, je vais laisser Shenron et Schrödinger tranquilles

En fait, deux jours plus tard, j'ai envie de revenir sur le problème de la dernière fois. J'ai pris beaucoup de raccourcis, la question n'a pas été examinée dans sa globalité et il y a encore énormément de trucs intéressants à en tirer.

Rappel des faits : pour une raison X, je choisis de tuer un ami à moi, puis d'aller chercher les Dragon Balls pour le ressusciter, et le re-tuer, et le re-ramener à la vie, jusqu'à tomber à court de voeux.
=> Question : étant donné une configuration imaginaire où j'ai un nombre de voeux infini, est-ce qu'à la fin mon ami est mort ou vivant ?

Le problème rappelle celui du chat de Schrödinger : une mise en place très farfelue et peu réaliste, à l'issue de laquelle rien ne peut indiquer si notre sujet est en vie ou non

Mais il y a une petite divergence par rapport à la question d'Erwin. Ici, on peut essayer de quantifier la solution (via l'usage d'une suite mathématique qui aura elle aussi fait couler un peu d'encre). Et là, on aboutit à une conclusion qui penche effectivement vers l'un ou l'autre des deux résultats, mais pas totalement.

Un premier éclaircissement : pourquoi "75% mort" est un gros abus de langage


Partant du principe que -1 représente la mort et +1 la vie, à ce moment-là j'ai dit "le sujet est aux trois-quarts mort" parce que la suite tend vers -0.5.
SAUF QUE, ici on parle d'un truc binaire et discrétisé. Dans le monde que l'on connaît, en général, tu es soit vivant, soit mort. Il n'existe pas de "blending" entre les deux états, donc cette phrase n'a aucun sens.

Élément important #1 : tout comme avec l'expérience du chat, la seule chose qu'on peut en déduire est que les deux états "coexistent" tant qu'on est pas fixé sur notre dernière action (le meurtre ou le voeu), c'est-à-dire tant qu'il nous reste des voeux infinis. C'est différent d'un "entre-deux".

Élément important #2 : ce résultat de "75%". Il montre une prédominance d'un état ou de l'autre, et c'est à ce moment-là qu'on s'éloigne un peu du cas de Schrödinger. Le plus logique semble de simplement l'interpréter comme une probabilité de se retrouver avec telle ou telle situation finale.

Donc, dans mon cas, si je procède à cette expérience sur un sujet que je tue puis que je ressuscite à répétition, je peux avancer que plus je poursuis le process, plus je tends vers un cas où j'ai trois fois plus de chances de le retrouver mort.

Impact des événements extérieurs : l'effet papillon


J'ai trouvé ce résultat de -0.5 parce que "je le tue, puis je le ramène à la vie, puis je le retue, etc". La suite en question vaut donc S = -1+1-1+1... donc, alternativement, S = -1 ou S = 0.
Et si j'avais pris un sujet déjà mort ? C'est-à-dire que je n'ai pas besoin de le tuer pour commencer l'expérience. Je commence par le ramener à la vie. S = 1-1+1-1... Alternativement, S = 1 ou S = 0.

Quand je prends un sujet qui est déjà mort initialement, par une cause extérieure, ma suite tend vers 0.5 et non -0.5. J'ai ici trois fois plus de chances de terminer avec un sujet vivant que mort.

Les résultats ont été totalement chamboulés par nos conditions initiales. On se rend compte que s'il fallait faire cette expérience sur une large population, ou plutôt sur deux larges populations A et B, pour avoir un point de comparaison. La population A, ceux déjà morts, finirait trois fois plus nombreuse que la population B (ceux initialement vivants).

Alors ce point est délicat, parce qu'il est difficile de voir ce qui nous pousse à compter ou non la première mort dans le calcul. On pourrait même trouver légitime de tenir compte de la naissance du sujet avant qu'il ne meure pour la première fois, et donc systématiquement commencer notre suite par un +1.
À la fin, on peut aussi penser que dans l'absolu, il serait logique de réaliser les deux expériences et en faire une moyenne. Auquel cas, on retombe sur 0 et on affirme qu'il est simplement impossible de se décider entre les deux conclusions possibles. (comme cela semblait logiquement être le cas)

Bref, cette expérience a de moins en moins de légitimité et ses points noirs sont nombreux. Mais elle aura le mérite de nous faire réaliser à quel point un petit événement initial (en l'occurrence, une naissance ou une mort) peut faire basculer le cours des choses.

"Avec des si, on peut tout faire... à commencer par couper des arbres"

L'effet papillon, c'est une réalité : parmi tous les gens renversés par une voiture ces cinquante dernières années, certains auraient probablement, par exemple, accédé à une carrière politique brillante et changé le monde d'aujourd'hui. Et quand on regarde en arrière de gros morceaux de notre vie, et qu'on remonte toute la chaîne de causalité qui est derrière, on peut souvent se rendre compte que tout est parti d'un détail stupide et anodin.

À l'inverse, on peut aussi imaginer l'impact futur d'une action qu'on hésite à accomplir ; et ça, la première saison du Visiteur du Futur l'a très bien fait avec sa punchline "VOILÀ CE QUI VA SE PASSER".

Enfin, on peut considérer qu'il existe une infinité d'univers parallèles dans lesquels ces "what ifs" se sont réalisés : ce sont les uchronies qui sont souvent très intéressantes à examiner jusqu'au bout. Des oeuvres comme Steins;Gate ou Le Maître du Haut-Château sont même allées pousser le concept de façon assumée en mentionnant l'effet papillon et/ou l'existence d'uchronies au sein même de la fiction.

Normalement le propre de ces univers est de ne jamais être connectés, excepté par leur passé commun. On ne pourrait donc hypothétiquement passer de l'un à l'autre qu'en voyageant dans le passé, comme pour prendre notre élan, et en commettant ensuite les actions qui changent le monde de sorte à nous faire arriver sur la branche correspondante : ceci implique qu'à chaque fraction de seconde, une infinité d'actions séparent chacune l'univers en plusieurs branches parallèles.

"La Porte" de FullMetal Alchemist déroge à cette règle. Dans la première série animée, elle connecte l'univers de la fiction à notre réalité (celle de la 1re Guerre Mondiale), correspond à l'aveu d'une uchronie, et est donc une sorte de matérialisation du quatrième mur.

Bref, cette porte est intéressante mais nous embête, on va oublier son cas. Du coup, à part ça, dans cette vision des choses, le temps est un arbre, le tronc est un passé qui tend à être unique au fur et à mesure qu'il s'éloigne, et les branches représentent de multiples futurs possibles, qui vont finalement tous exister simultanément. Mon jeu de mots pourri commence à gagner en profondeur et être beaucoup plus pertinent que tout à l'heure

Je pense aussi que chez les personnes extrêmement exigeantes avec elles-mêmes et/ou dépressives, le regret dû à une erreur commise dans la vie est lié à cette vision des choses : on a l'impression de s'être emprisonné dans la mauvaise branche. Et plus le temps passe, plus la branche du "what if" auquel on aspirait est éloignée. Ces personnes se sentent dériver, et à partir du moment où l'on en prend conscience on ne voit plus que ça. D'ailleurs, le fait que vous veniez de lire ceci a peut-être éveillé cette idée en vous de façon irréversible. En d'autres termes :

Je l'ai déjà dit le mois dernier, inutile de me remercier voyons



Il y a un autre article qui explicite bien cette théorie des branches, et vu d'où il sort, sa pertinence m'étonne, mais il y a moyen d'en extrapoler pas mal d'éléments sympas.

Enfin, si j'ai toujours des voeux infinis pour ressusciter mes potes de l'expérience précédente, il y aura sur cet arbre trois fois plus de branches sur lesquelles ils sont vivants que morts, à moins que je ne les tue moi-même au préalable, auquel cas ce sera l'inverse. Ou plutôt, plus on s'éloignera du tronc, plus on aura de facilité à constater que mes amis sont vivants sur les trois quarts des branches.

Sur ce, je m'arrête ici, je crois que la question a été traitée sous tous ses aspects. Il y a toujours moyen d'imaginer un esprit tordu qui dira "je fais le voeu d'être apte à tuer une personne déjà morte" pour faire tendre notre suite vers -1.5, mais... tous les Dolipranes du monde ne suffiront pas.

1 commentaire:

  1. Je prendrai pas le problème dans ce sens là. L'important est de savoir s'il existe un nombre pair ou impair de souhaits réalisables. S'il est pair, alors la personne fini vivante, s'il est impair, elle fini morte.

    On a donc 50% de chance d'avoir un nombre de voeux pair disponible, et 50% d'impairs.

    Sur un choix très petit de voeux, disons 3 (impair donc), on aura [mort, vivant, mort]. donc 66% de chance d'être mort. On remarque que pour 4 voeux, la probabilité est de 50/50 (et pour tous les pairs). Du coup à partir d'un grand nombre de voeux, disons 99, on obtient [mort, vivant, mort, ..., vivant, mort], soit 50.50505050%. On tend donc vers 50% de chance d'être mort.

    Donc la probabilité générale est égale à la moyenne de probabilité paires et impaires.

    Pour obtenir tes 75%, il faudrait 1 seul voeux :

    proba pair + proba impair / 2
    proba pair = nombre mort / nombre total de voeux

    soit 0.5 + 1 / 2 = 0.75

    Du coup si on te tue, tu as 75% de chance de mourir...

    WTF OU EST MON ERREUR !

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