jeudi 14 avril 2016

Travail et motivation


Sorte de passage obligé propre à pas mal de corps de métier (dont le mien, fatalement), je viens de traverser pour la première fois le "tunnel du crunch". Je suis un cadavre, mais un cadavre heureux.

C’est à la fois satisfaisant et frustrant, sous certains aspects ça booste l’estime de soi ("yay j’ai réussi !") et sous d’autres ça la réduit pas mal ("pourquoi je me dédie à ça ?"). Surtout, au final, ça soulève un tas de questions super intéressantes.

Tout ça m’a donné envie de partager ma vision du crunch : cékoi, quand, pourquoi, comment, est-ce que j’y ai appris des trucs, si oui quoi, faut-il devenir dépressif nihiliste, et quand est-ce qu'on mange.

À noter que cet article n’est pas un post-mortem à proprement parler comme j’en ai fait la fois précédente, parce que la production n’est pas finie mais cette fois je trouve plus intéressant de donner un point de vue à chaud. Donc voilà, ceci est mon middle-mortem du projet SENS ! (ou presque, parce que je ne vais pas parler du projet mais simplement rebondir dessus pour d'autres idées)

Projet sur lequel je travaille avec Red Corner et dont il faut d'ailleurs absolument que je fasse la pub parce qu’il est fabuleux : de l’absurde, et des nouvelles technologies (en l'occurrence la VR). Le jeu est actuellement exposé au Tribeca Film Festival, et toutes les infos nécessaires sont sur son site.

Et je ne dirai rien de plus dessus, ça vous donnera envie de cliquer.



1) Déjà, le crunch, c’est quoi ?


Un crunch, c’est une délicieuse période sucrée et croquante entourée d’une fine couche de chocolat au lait, qui survient habituellement sur la fin de la production d’un projet. Son goût est intense, tellement intense que tu te retrouves à le déguster pendant une dizaine de jours consécutifs où tu ne t’arrêtes pas avant minuit ; mais ça ne compte pas, parce que la notion du temps est totalement effacée par ton obsession de la deadline.

Au final tu y prends goût parce que tu t’y donnes corps et âme, et même si c’est un travail, ça te plonge dans quelque chose qui se retrouverait habituellement davantage dans un jeu ou un sport.

Long story short, pour illustrer l’idée : on est en avril 2016, il y a #NuitDebout, et je me suis surpris à me plaindre du bruit que faisait une manif' contre la loi El-Khomri un dimanche au boulot. Et ça m’a fait rigoler parce que c’est ironique, certes j’ai eu les boules parce qu’il faisait beau et ce jour-là, mais globalement je suis carrément satisfait parce que j’ai avancé et appris des trucs. No regrets !

[Oh et, débat intéressant que j’ai eu récemment : selon les professions, le nom change. Dans le pays lointain du webdesign, ça se dit une charrette et c’est mignon]

*manifestation que je soutiens totalement malgré tout ce que je vais dire. Je suis quand même un être humain oh

Le visage de la mort, et accessoirement un beau placement de produit

2) Est-ce que je suis en train d’appliquer le syndrome de Stockholm au boulot ?


À partir du moment où l’on compare son travail à un jeu (et où on s’expose à quelques regards incompréhensifs), c’est une idée qui émerge forcément de tout ça. But wait : même si le fil de ce raisonnement m’emmène sur cette question tout de suite, il y a plusieurs trucs à clarifier d’abord, donc j’y reviendrai après.

Toujours est-il qu'en effet, ce que je vais essayer de prouver par la suite, c'est que ça n'est pas forcément quelque chose de négatif, et que le verre est à moitié plein, très largement même.

3) En vrai, personne ne le vit aussi bien, sinon tout le monde le ferait


Histoire de faire la part des choses, il faut quand même savoir ce que coûte une telle période avant de se jeter dedans avec optimisme. Ça n'est pas juste "comme une jam ou un hackathon mais en plus long et avec des enjeux réels derrière".

Voilà tout ce qui peut se passer dans la tête d'une personne en crunch :

• Est-ce que je vais y arriver ? Corollaire : est-ce que je vais décevoir ?
• Est-ce que j'ai raison d'y aller à fond ? C'est dangereux non ? si ça se trouve j'ai des limites humaines. Lesquelles ? Est-ce que je vais en découvrir ?
• Est-ce que ça va durer pour toujours ? Il y a des gens pour qui c'est bien pire et bien plus routinier. Comment ils le vivent ? Est-ce que je vais devenir comme eux ?
• Est-ce que je suis en train d'évoluer et de devenir quelqu'un ou quelque chose d'autre ? Est-ce que tout ça va me coûter mes amis et/ou ma famille ?

tl;dr : est-ce qu'une partie de moi va MOURIR


C'est extrêmement dramatique à lire et à écrire mais en vrai ces questions n'existent que fugacement pendant un quart de seconde, puis se collent gentiment dans le background de notre tête jusqu'à ce qu'on puisse souffler, ce qui arrive forcément tôt ou tard (heureusement). Sinon la vie serait très, très triste.

Et c'est une réaction normale et saine parce qu'à ce moment on est sorti de notre zone de confort (et rétrospectivement, ça fait du bien), et aussi parce qu'on a tous déjà vu ou lu des témoignages d'histoires qui ont mal tourné. Et le bout de notre inconscient qui nous dit qu'on est plus trop en sécurité enclenche le mode panique. Mais tout va bien, parce qu'on a d'autres points plus urgentes sur lesquels paniquer

En gros, psychologiquement c'est un petit tunnel, mais le propre d'un tunnel, c'est d'avoir une fin. Donc surtout, et avant tout, c'est un challenge. Et les challenges, c'est cool ! (quand c'est maîtrisé)

1.5) Certaines personnes (dont moi ?) accordent trop d’importance à cette notion


Pourquoi y tient-on autant, au point de lui donner un nom, écrire énormément dessus, et le présenter comme un concept quasi-sacralisé (même si, évidemment et heureusement, c'est ultra-controversé) dans tout un tas d'industries différentes ?

Ce qui saute aux yeux c'est qu'il y a la peur et/ou la méfiance ; le concept de crunch a été médiatisé parce qu'en premier lieu il s'agit de quelque chose qui n'est pas fait par plaisir et qui est juste très gourmand en ressources humaines.
Mais parler de ça ici ne m'intéresse pas (tout le monde le fait déjà, surtout en ce moment). Le fait est que quand on rétroanalyse son crunch il y a aussi un tas d'idées positives qui émergent. Côté réflexion, c'est une mine d'or.

0.4) J'aime apporter de la clarté à mon raisonnement en le numérotant


Déjà, quand on pense "crunch", à différents degrés, inconsciemment tout le monde y voit une forme d'accomplissement. À partir du moment où tu mènes une activité productive régulière (en l’occurrence un travail), tu y cherches de l’épanouissement et tu veux te réaliser dedans. À plus forte raison dans un domaine créatif où on est très loin de la "philosophie bureau", où il faut faire preuve d'une grande force mentale pour ne pas laisser l'habitude de la hiérarchie écraser les ambitions personnelles.
(Dans cette optique-là, être designer ou développeur, c'est vivre en easy mode. Alors si c'est à notre portée, autant en profiter non ?)

À ça s’ajoute un autre bout de ma vision de la société : l’humanité a toujours eu des hobbies et rites initiatiques qui peuvent être vus comme stupides et destructifs. (Désolé mais à un moment il faut quand même l’admettre. Sur ce genre d’aspects on est une espèce animale très très bête, que ce soit pour des raisons de fierté, d'éducation, de conscience de soi et du temps, whatever)

Ceux qui ont vu le début de Game of Thrones auront plein d'exemples concrets en tête.
Comme toute cette confiture de fraise qu'il faut manger pour être accepté chez les Dothraki.

Bref, ces rites existent. Il faut en choisir un ou plusieurs selon l’époque et le pays dans lesquels tu vis. Le rapport que chacun a à ces pratiques, c’est une partie de ce qui le définit ; je ne parle pas d’être systématiquement un mouton et rentrer dans des trips conformistes mais bien de ce qui fait ton originalité. Est-ce qu’en tant que personne tu vas plutôt chercher à les éviter ? À rentrer dedans ? À les faire évoluer ? Dans le cas présent, on cherche une certaine reconnaissance sociale du type "eh regarde, je suis efficace. Souviens-toi de moi !"

Et intérieurement, le mécanisme est présent chez tout le monde, même si évidemment personne ne nous dit ça de façon explicite parce que ce serait la grosse cringe. (Ou plutôt, on connaît tous au moins un mec qui fait ça et on le trouve repoussant. Je me portraye ça avec une chemise à carreaux, des grosses lunettes et un appareil dentaire très voyant)


Cet homme vous rappelle votre course constante à l'approbation sociale.
On le déteste parce qu'au fond, ça pourrait être nous-mêmes. :D

Voilà pourquoi, quand on a réussi à faire une gorge profonde à un sabre devant 4000 personnes, ou quand on vient de boucler une semaine de plus de 70h pour que notre projet soit prêt à être exposé, on a l’impression d’avoir accompli quelque chose de potentiellement utile à notre propre vie. C'est une source de motivation intrinsèque.

Et je trouve ça cool à partir du moment où on se prend au jeu et où on éteint une seconde son esprit ultra-critique ; parce qu’au final, dans l’instant T, on a une occupation, on en est content, et dans certains cas on en retire beaucoup d’autres bénéfices (apprentissage et/ou relations humaines et/ou un tas d’autres trucs qui pavent la deuxième moitié de la pyramide de Maslow).



Bon. Maintenant que je viens accidentellement de balancer un tas d’arguments très dangereux et borderline, qui pourraient aussi bien servir à faire l’apologie du travail forcé, et à cause desquels tout le monde va me taper dessus (à raison), la seconde question s’impose d’autant plus.

2) Alors, syndrome de Stockholm ou pas ?


(Aka « suis-je fou ? » ou « il faut absolument que je nuance mes propos »)

Alors, le truc délicat, c’est que tout ça s’applique à des corps de métier où, en premier lieu, on adore vraiment tout ce qu’on fait, alors que l’idée de Stockholm renvoie à un ravisseur, un méchant ; d’après moi, ce serait stupide de diaboliser le travail au simple motif que c’est un travail.

Peut-être que tout ce que je viens de dire est une sorte de définition des milieux créatifs. Peut-être surtout que tout ça est juste grandement soumis à la subjectivité de chacun (et que par voie de conséquence je suis un monstre et qu’il faut me brûler et/ou m’envoyer dormir).
L'autre chose à prendre en compte, c'est que je n'ai tenu ce rythme que sur une courte période ; j'en ai connu de plus longues, qui m'ont un peu détruit sur plusieurs aspects, et à ces périodes-là j'aurais été bien incapable de tenir ce discours-là sur le moment.

Donc évidemment que toutes ces opinions sont à prendre avec des pincettes. Et surtout, abuser d’une passion, ça existe (je n’enfoncerai jamais assez ce clou), et peut-être que sortir d’un tel piège m’a donné un engouement de fou pour tous mes projets à venir.

WOAH, UNE VRAIE ÉQUIPE, SOUDÉE

WOAH, DU PRODUCING

WOAH, UN CONTRAT, AVEC DE LA LÉGALITÉ


Voilà tout ce qu'il y a derrière le rythme qu'une personne peut s'imposer (et/ou accepter de se faire imposer), et voilà pourquoi dans le fond ce sont des expériences fabuleuses.
Parce que bien souvent, tout ce qu'on peut retirer comme bénéfice de ceci (pendant et après), dans la vraie vie, c’est loiiiiin d’être acquis.


dimanche 24 janvier 2016

Et si j'écrivais ?


Imaginons. Je dis bien IMAGINONS. Que j'aie envie d'écrire.

Oui oui oui, écrire, bien qu'au premier abord ce soit un passe-temps qui sonne relativement ambitieux voire ridicule, parce qu'entre douze et quinze ans tout le monde s'est déjà essayé à la fiction, et l'a probablement amèrement regretté. Mais je suis curieux ! Et peut-être un peu culotté, ou stupide, parce que je suis encore loin d'avoir lu les incontournables qui devraient constituer mes références avant de vouloir faire quelque chose de complet et d'intéressant.

Aussi, je suis mal barré, parce qu'après à peine un paragraphe, je fais déjà des phrases trop longues à mon goût, et puis regardez ces tournures, bordel, "faire quelque chose de complet et d'intéressant", paye ta pauvreté lexicale. Je suis aussi un peu refroidi par le fait qu'en 2016, les gens qui écrivent des choses finissent quasi-inexorablement rangés dans une case parmi deux possibles : les "gros fragiles" ou les "grands écrivains", or la limite est aussi fine que lointaine. Néanmoins, s'y atteler par curiosité, c'est fun ; du coup, malgré tout, j'ai bien envie d'essayer de ne devenir ni l'un ni l'autre.

Ainsi démarre ma première histoire, écris-je en me dépêchant de reboucher le quatrième mur : l'histoire d'un ennui profond par une après-midi d'hiver vraiment laide, et qui finit par me conduire à écrire, en se demandant où tout cela pourrait mener.

Alors sur ce, j'écris, parce que cette histoire ne va pas apparaître toute seule, et je récupère ma concentration, replongé dans une atmosphère musicale beaucoup trop forte pour que quiconque puisse s'entendre penser (et pourtant je trouve ça plutôt efficace, allez savoir). De toute façon, mieux vaut que je reste entre ma chaise et mon écran, vu l'état actuel du ciel ; il fait quasiment nuit, il fait gris, il fait froid, il y a du vent, on nage en plein dans cette ambiance déprimante stéréotypée qui dissuade tout le monde d'aller dehors. Qu'est-ce que je pourrais faire de plus de ma soirée ?
Rien qu'en y réfléchissant, je me retourne et je vois deux arbres morts par ma fenêtre, qui cachent (ou du moins essayent) tout un groupement d'immeubles dont pas un seul appartement n'a l'air occupé. Fenêtres fermées, lumières éteintes. Un quartier de banlieue tout morose en somme.

Je suis las de décortiquer mon environnement visuel qui est vraiment tout sauf inspirant, alors je continue à rédiger jusqu'à ce que ma notion du temps tombe en lambeaux.

De fil en aiguille, et après une relecture brève, je devine que les lecteurs qui sont peu habitués à ce style d'écriture plus lourd vont s'ennuyer, ou au moins reprocher la densité des descriptions et le fait que tout cela tourne beaucoup autour du pot. "C'est vrai quoi, on est pas dans un roman !" C'est vrai. Mais pour ce genre de réclamations, vous irez vous adresser à l'auteur. Ça n'est pas du tout de ma faute, uniquement celle de l'auteur. Moi je suis simplement le narrateur et héros de cette histoire, alors calmez-vous tout de suite. Vous croyez que c'est moi qui ai tout imaginé juste parce que vous lisez ceci avec ma voix ? Non ! Je suis à mon bureau en train d'écrire et il fait très moche dehors, c'est tout. Si je pouvais choisir le temps qu'il fait, je le saurais...

En revanche, puisque c'est MON histoire, j'y fais ce que je veux. En plus, depuis votre statut de lecteur, vous êtes tous totalement impuissants, parce que ce récit, par définition, a déjà été écrit jusqu'au bout. Ce qui fait que vous êtes à ma merci et vous ne pouvez plus changer son déroulement. Du tout. ALLEEEEZ. ALORS, QU'EST-CE QUE TU VAS FAIRE ? HEIN ? GROS MALIN.

Je pourrais aussi altérer votre expérience de façon irréversible en lançant des spoilers alors que le coeur de l'action n'a pas encore véritablement commencé. D'ailleurs, le héros meurt à la fin. VOILÀ. Vous ne pourrez plus du tout vous y attacher de la même manière à présent. De rien~

Bon. J'ai quand même une histoire à écrire. Introduisons.

Je reviens à mes moutons. De l'autre côté de ce groupement d'immeubles vit une petite famille calme : les Smith. Ils passent toujours l'hiver à jouer, lire et cuisiner ensemble, et aujourd'hui ne faisait pas exception. John Smith était un homme sympathique au demeurant, et cette soirée démarrait bien : il allait fêter son premier anniversaire de mariage. Quand soudain...

...

NON

NON NON NON

• C'est une situation on ne peut plus bateau.
• La façon même de l'introduire est terriblement mauvaise et ne donne absolument pas envie de savoir ce qu'il va advenir de ce John. Qui s'intéresse à dépeindre ce genre de banalités de nos jours ? Je me le demande vraiment.
• D'ailleurs, "John Smith", sérieusement ? Cette onomastique est À CHIER
• Et de toute manière, tout le monde sait déjà qu'il va mourir, parce que je l'ai dit deux paragraphes plus haut. Impossible de s'intéresser à ça.

On va changer d'histoire.

Cette fois-ci, ce sera une narration qui accroche réellement, qui pourra même finir sur un cliffhanger. Quelque chose de psychologiquement déstabilisant, où tout le monde se pose des questions sur la nature même ce qu'il est en train de lire. Mais une chose sera sûre : chacun, à sa façon, va trouver ça marquant, même s'il reste sur sa fin. Ce sera révolutionnaire. Et vous savez comment je vais construire ça ? Je vais

mardi 5 janvier 2016

Deux mille seize

Disclaimer : cet article contient onze fois le mot "technique". Mais la première moitié est safe.



2015 EST FINIIIIIIIIIIIIII

LIBERTÉÉÉÉ

Todolist du début d'année :
La cuite, check.
La vague de sms, check.
Les inexorables voeux de bonheur "je souhaite la paix et l'amour sur tes enfants et tes chatons et que cette année marque le début d'une ère de gloire qui te sourira pour les éons à venir", check. (ok je n'ai dit ça à personne mais en vrai je le pense et je vous aime)

Et donc, maintenant, c'est l'heure des résolutions grandioses qu'on ne va jamais tenir.

(Source : Channelate)


Comme la plupart du temps, ce sont des trucs qui touchent soit à la santé soit à la productivité.
De mon côté, comme d'habitude je suis plutôt en forme (et que souvent ma santé, c'est zero fucks given, soit à peine moins que mon nombre quotidien d'heures de sommeil), une fois de plus je vais me pencher sur ce que j'ai l'intention de faire / accomplir / créer.

(Et si certains me disent que ça sonne mégalo je leur répondrai que c'est eux qui devraient l'être davantage ; les ambitions ça ne coûte rien et c'est un moteur plutôt sympa. Sans même que vous ne vous en rendiez compte votre cerveau peut générer plein de trucs incroyables, dont certains vous permettent même d'obtenir un toit sur la tête, de la bouffe, de la reconnaissance publique et un paquet d'épanouissement personnel, alors éclatez-vous à l'utiliser !)

C'était la parenthèse encourageante de début janvier.
NOW SHUT UP AND GO BE AWESOME. OK? I LOVE YOU


Alors ma résolution totalement stupide de 2016 sera de mettre régulièrement à jour ce blog me mettre à tendre vers tout ce qui m'inspire réellement.
Ok cette phrase ne signifie pas grand chose. Alors, mes inspirations, c'est quoi/qui ? Pour faire simple, ce sont les oeuvres (et les gens derrière) qui mettent en place des univers où à la fin, tes capacités cognitives et tes 5 sens sont tous contents en même temps. En français il y a un mot pour désigner ça, mais il fait beaucoup de lettres, il est tout le temps utilisé à mauvais escient, et il convient mal dans ce contexte.

Derrière cette définition assez vague et pompeuse, il y a l'idée des one-man armies qui arrivent à simultanément écrire des histoires, s'improviser musiciens, aboutir à des résultats visuellement beaux, et accessoirement développer des jeux où tout ça se répond, avec cohérence (et en intégrant le gameplay à ce mix).
(inb4 "et le goût et l'odorat dans tout ça ?" : J'expérimente des trucs en cuisine chez moi, et tant que je suis vivant c'est que ça se passe bien.)

Ceci se fait de plus en plus souvent par le biais d'un jeu : c'est le support qui peut (à mon sens) le mieux lier univers narratif, visuel et sonore (et maintenant sensoriel) en y ajoutant une couche d'interactivité dont l'exploitation est très variable selon l'auteur. Je vais donc resserrer le sujet de la suite de cet article au jeu vidéo, mais il faut garder à l'esprit que tout ce qui va suivre tient certainement aussi bien la route avec le cinéma, le théâtre, la peinture...

Et côté jeux, un type a fait ça avec brio récemment, et tout le monde parle de lui depuis deux mois : Toby Fox, lui-même inspiré par le monsieur que j'admire le plus pour tout ce qu'il a fait ces vingt dernières années : Junya "Zun" Ota, le papa de la série Touhou Project, qui a commencé par une suite de shoot'em up, et qui est maintenant une mythologie énorme, une longue discographie et la plus grosse licence indépendante japonaise.
(Et que tout le monde connaît probablement sans le savoir, la faute aux fanbases incontrôlables)

Au fait, "licence indépendante" ça n'est pas un peu antithétique ?
en ce moment g du mal a parlé la fransse


Bref, je ne vais pas m'étendre davantage sur Undertale ni sur Touhou, parce qu'Internet tout entier le fait déjà très bien depuis très longtemps, mais Fox et Zun sont des gens qui ont compris énormément de choses sur les façons de mettre en valeur un univers, un personnage, un sentiment. Entre autres, le gameplay du jeu de tir vertical s'y prête de façon étonnamment optimale, étant donné sa capacité à associer ensemble une confrontation, une personnalité, un dessin, un mouvement, une phrase musicale, un rythme, et même une évolution.

Et une telle coordination à l'échelle transmédia, comme le suggère Jesse Schell dans The Art of Game Design (qui est réédité cette année, go grab it !), c'est une chose qui requiert la fibre artistique et les efforts d'une seule personne.

Credits : Jeux Video Magazine


Il y a quelques jours (semaines ?) se tenait à la Cité des Sciences de Paris la masterclass de Julien Merceron, le directeur technique qui a travaillé successivement chez Ubisoft, Eidos, Square Enix, Konami. Toute cette soirée a été très instructive, et une question qui lui a été posée a attiré mon attention : "quelle est la quête de ta vie ?"
Et dans sa réponse, il a clairement explicité qu'il aspirait à être le meilleur CTO du monde du jeu. (Ce que je lui souhaite si ça n'est pas déjà le cas !)
Or, toujours dans l'optique d'adopter l'approche généraliste des jeux indépendants mentionnés plus haut, et faire passer un message en jonglant entre plusieurs domaines, cette question en soulève une autre tout aussi intéressante.

Si, à l'inverse, nos intérêts principaux ne sont pas dans la technique pure mais dans la créativité et la diversité artistique, notre "quête" dans le monde du jeu vidéo, c'est quoi ? Et, dans un cadre encore plus large, notre quête tout court, c'est quoi ?
Et est-ce que les jeux sont le meilleur média pour y parvenir ?
(bon ok je pense que oui, sinon je n'y consacrerais pas ma vie professionnelle, mais la question reste pertinente. Par exemple, et si Undertale avait été un film, ou un livre, ou un webcomic ? D'autant que cette question n'est pas étrangère à l'auteur)

Ici on touche à un domaine différent, qui ne relève plus du tout du métier de développeur et encore moins de directeur technique. En fait ma question de fond avec ce "quelle est ma quête", c'est plutôt : "est-ce qu'approfondir mon bagage technique autant que possible va m'aider ?", et la réponse est non.

Waaaaait. Cette dernière phrase ne vient pas totalement de cracher sur le job de développeur (après tout c'est aussi mon métier), mais je vais quand même m'expliquer davantage.

"Non" dans le sens où les moteurs de jeux existants sont des moyens d'expression très (trop) largement suffisants, alors qu'il reste des évolutions considérables à apporter du côté de l'écriture et du design.

Bien sûr, être en mesure de pouvoir développer n'importe quoi est un prérequis vital si l'on veut faire nos propres jeux, mais ça ne demande clairement pas un doctorat en la matière. Si on garde l'exemple d'Undertale, c'est loin d'être une prouesse technique, et il a été produit avec Game Maker, dont la dernière version date de 2011 (c'est à dire, vieuuuuuux, bien que toujours d'actualité).
D'autant qu'aujourd'hui, on a Unity qui nous offre une marge de manoeuvre quasi infinie pour subvenir à nos besoins créatifs en un temps vraiment minimum : pas de contrainte préexistante, pas forcément orienté vers de la 3D comme l'Unreal Engine, interface partiellement recodable...
(en gros c'est une feuille blanche quoi)

La pointe de la technologie, regardez ces gros modèles 3D, les lens flares partout, et tous ces continents procéduraux

Bref. Ce sont des détails techniques, et les détails techniques on s'en fout.

Ce que je veux justement dire, c'est qu'à un moment donné, accroître nos capacités techniques outre-mesure ne fera pas de nous des créatifs accomplis, et que dans ce but-là, passé un certain seuil de maîtrise, le temps d'apprentissage qu'on se donne est beaucoup mieux utilisé à dessiner, composer, écrire, lire. Et ce seuil, c'est à nous de le déterminer, selon la forme qu'on veut donner à nos productions, et selon ce qu'on veut faire avec ce bagage technique (éventuel).

Et là, on sort du pôle technique (qui est un peu devenu notre zone de confort, parce qu'on était jusqu'ici dans l'apprentissage de trucs rationnels et existants, que d'autres personnes savent déjà faire), et on part se poser des questions d'un autre ordre, plus constructives mais moins évidentes.

Un de mes centres de curiosité #1 : les façons de briser le quatrième mur. Ça doit faire une trentaine d'années que le jeu vidéo est un moyen d'expression vivant et solide, avec lequel on peut raconter des histoires, c'est encore jeune, et c'est encore une mine d'or.


...

WOOPS

J'AI DIGRESSÉ


Alors alors ma bonne résolution de 2016.


"Me mettre à tendre vers tout ce qui m'inspire réellement", au vu de tout ce qu'on vient de dire, ça touche une échelle temporelle qui dépasse largement celle d'une année. Ce serait simplifier et vulgariser le process jusqu'à ce que tout ça devienne totalement débile et improductif, non ? C'est pour ça que les gens n'arrivent jamais à tenir leurs résolutions.

Alors je vais juste en prendre un "petit" morceau.

"I failed my life at 5 by not learning to make music and I still can't face it" for dummies

Et vous ?

mardi 25 août 2015

Post-mortem anticipé : pourquoi et comment (ne pas) commettre le ragequit d'une production

J'ai échoué. Je crois.

Je viens de choisir d'abandonner la production de mon jeu après un an de travail entièrement vain, et la tradition veut qu'à la fin d'un "projet", on rédige un post-mortem dessus.

Plus précisément le jeu n'est pas mort, mais l'aventure est finie pour moi. Je ne m'attarderai pas sur les trucs factuels qui ont fait de cette année ce qu'elle a été, ni sur mes motivations initiales. Mon but ici est de tirer des généralités et de servir de contre-exemple à des gens innocents et peut-être trop ambitieux pour leur propre bien (c'est-à-dire moi dans cinq ans).

Mais attention, tout ceci n'a absolument aucune optique dissuasive, juste de mise en garde. Après m'avoir lu, si vous déprimez, allez plutôt regarder des démarches indépendantes qui ont réussi et méritent qu'on s'en inspire, parce que ça existe.

Bref, c'est parti.

Je voulais aérer/légender mon texte avec une image un peu pertinente et inspirante, genre un type qui écrit une lettre commençant par "Dear myself...", et sur Google j'ai juste trouvé des scans de manga yaoi. Alors contentez-vous d'un bébé ornithorynque.


Un plan typique pour ce genre d'article serait :

• What went wrong
• What went right
• What we learned


Le truc, c'est que je n'ai pas l'hypocrisie nécessaire pour couvrir ces deux derniers axes et commencer à dire que j'en retire quelque chose de positif.
Amertume mise à part, on va essayer malgré tout, parce qu'il y a des guidelines intéressantes qui doivent ressortir de tout ça. Allons-y !*
*Ce point d'exclamation est une méthode d'autopersuasion pour me faire croire que je suis motivé. Si vous lisez actuellement cet article, ça signifie que je l'ai terminé, donc que ça a marché. Yaaaay !


Alors, quelles sont les raisons potentielles pour lesquelles mener une telle production pendant un an peut s'avérer être une très, très mauvaise idée ?

Sommaire :

Intro :
Présentation du projet
Chapitre 1 : Questions financières
Chapitre 2 : Les erreurs techniques et professionnelles
Chapitre 3 : Cohésion et stabilité d'équipe
Chapitre 4 : Facteurs motivationnels
Epilogue : Savoir dire non

____

Intro - Présentation du projet, recontextualisation





Ça s'appelle Kawiteros et c'est un jeu en 2D où on joue un shaman au coeur d'une storyline poétique dans un monde inspiré d'une culture mexicaine, les contrôles sont plutôt platforming, quand on clique sur des objets il se passe des trucs, et graphiquement c'est beau.

VOILÀ

La manière dont je me vois contraint de torcher l'explication de la mécanique de jeu principale est déjà bien révélatrice des nombreuses coupes qu'on a dû effectuer dans le design avant d'atterrir sur quelque chose de franchement simpliste.
Non que ça ne marche pas ni que ce soit mauvais, au contraire, mais le process qui a abouti à ça est aussi épuisant que frustrant, et le résultat, c'est que la préproduction a duré un an et demi, et qu'il est fort probable que ceux qui en ont entendu parler au début finissent partiellement déçus. D'autant qu'ils croient en ce jeu et en son avenir. On a aussi deux autres circonstances aggravantes : le fait qu'on ait été une équipe de huit (c'est beaucoup !) et qu'il y ait eu un éditeur derrière nous, avec qui on a signé.

C'est cette étape de longue galère qu'on appelle couramment le development hell. Même en en étant sorti, le principe vicieux est là : à partir du moment où ta préprod a tellement consommé de ressources que tu n'entames le vrai travail que quand il devrait être fini, et en étant déjà épuisé, tu as intérêt à vraiment vraiment croire en ton projet pour continuer à le porter comme ton gamin. Ce qui n'a pas été mon cas. Et surtout, souvent les circonstances matérielles rendent ceci simplement impossible :

Chapitres 1 à 4 - Questions financières, erreurs techniques et professionnelles, stabilité de la team, facteurs motivationnels


[...]

En fait non, je ne les publierai pas !




Après l'avoir écrit en entier, je réalise que les détails du development hell, avec toute la pression et les échecs qui vont avec, ça n'a même pas sa place dans un post-mortem. C'est beaucoup trop factuel, personnel et sans intérêt. Alors je n'en parlerai pas.
Annuler des choses, en ce moment, c'est mon hobby, ahahahaha

Mais les guidelines que j'en retire n'en demeurent pas moins intéressantes, alors je les partage quand même. Pour comprendre le message, pas besoin d'en faire dix pages, ni même que je détaille la production où j'ai été. Le but de cet article est d'apprendre des choses et non se plaindre inutilement.

1) La thune :


Calimero facts :

• J'ai bossé un an sans salaire. :'(
• Le jeu coûte trop cher à produire donc les ventes ne nous rapporteront rien non plus. :'(

Ce qu'il y a à apprendre :

Ne commencez pas un projet sans être dans la situation préalable financière qui vous permet de le faire. Autrement, la spirale du besoin d'argent s'installe, et freine la production de plus en plus. Il faut partir du principe qu'un jeu indépendant ne sera jamais rentable, et si quelqu'un vous dit l'inverse, ne travaillez jamais avec.

2) Les erreurs techniques :


Calimero facts :

• Le design a changé trop souvent. :'(
• On a passé bien trop de temps à développer de mauvaises idées. :'(
• On a mobilisé deux graphistes pendant trois mois sur de la communication et non sur le jeu lui-même. :'(

Ce qu'il y a à apprendre :

Vous avez décidé de commencer votre prod. Great ! Bon courage. Et surtout, maintenant, faites les choses dans l'ordre. Par exemple, se préparer à faire du teasing ou à builder une communauté autour d'un jeu dont le design n'est pas finalisé, ça sonne comme une mauvaise idée de façon stupidement évidente ; et pourtant dans le feu de l'action, ce sont des écueils dans lesquels on peut plonger. Le point le plus important ici est :
• Lorsqu'une idée ou un élément (design, gameplay, code, visuels) paraît douteux, soulève des questions, etc, débarrassez-vous-en tout simplement. Dans ce contexte, on n'a pas le droit à l'erreur.



On est à mi-chemin, ça doit être encore plus gênant à lire qu'à écrire, reprenez donc un peu d'ornithorynque


3) Cohésion et stabilité d'équipe :


Calimero facts :

• Ça traînait parce que personne n'était disponible sur les 8 premiers mois. :'(
• Ensuite la moitié de la team n'aimait pas l'outil principal de workflow et perdait du temps avec. :'(

Ce qu'il y a à apprendre :

Travailler en équipe réduite, c'est être handicapé d'un tas de circonstances qui surviennent du fait qu'on est pas tout seul. Une équipe de X personnes qui n'a pas un workflow basique fonctionnel, ce sera simplement X poids morts mis les uns à côté des autres.
• Chaque personne doit connaître ses outils de travail convenablement. Ou avoir les moyens de s'y former très vite.
• Les gens doivent être présents les uns pour les autres. Une équipe splitée à travers la France, dont 70% a autre chose à faire de son quotidien, ça ne marchera pas.

4) Facteurs motivationnels :


Calimero facts :

• 80% de mon travail sur ces 10 mois ont dû être supprimés. :'(
• Ça se passait mal humainement au sein de la team. :'(

Ce qu'il y a à apprendre :

• Il faut ne pas tomber dans la théorie de l'engagement, c'est-à-dire le "quelque chose ne va pas ? Pas grave, c'est bientôt fini, et après y avoir passé tout ce temps ce serait dommage d'abandonner".
• De même, il est impossible que les visions que chacun a du projet, et du professionnalisme en général, divergent. Chercher à étouffer ça pour le bien du projet, c'est faire une grosse bêtise pour cacher la petite.
• Comme dit précédemment, si un point précis soulève une interrogation ou un doute, il faut le détruire. Sans quoi, on en paye les conséquences plus tard, et on arrive au stade où les soucis motivationnels et humains entravent le projet.

Epilogue - Savoir dire non :


Le chapitre #4 s'applique aussi à l'entièreté du projet. Dans mon cas, en premier lieu, l'accepter était une erreur, et je dois ma situation actuelle à mon incapacité (passée) à rejeter à temps quelque chose de complètement aberrant.
Autant dire que ça ne se produira pas deux fois, et que ce genre d'expérience te booste ta capacité à évaluer des besoins physiques et temporels, et surtout à réagir à ces évaluations en conséquence et éviter ceci :

Refaire tout le moteur physique et la scène complète ? Avec tous les événements pas encore scriptés ? Avant vendredi ? OUI JE PEUX FAIRE ÇA, AMÈNE-MOI UN DIX-SEPTIÈME CAFÉ

Alors, est-ce que je devrais regretter tous ces choix l'an dernier qui ont abouti à ce que j'aille me casser les dents tout seul sans rien en retirer ? D'abord, cette question soulève d'autres soucis d'ordre éditorial voire juridique et éthique dont il serait mal venu de parler dans un truc public. Ensuite, à l'époque dans ma tête, il y avait cette licorne rose sur fond arc-en-ciel clignotant qui répétait sans cesse "FOLLOW YUR DREAAAAAAMZ" et au fond je le pense toujours : si je ne l'avais pas fait, j'aurais aussi eu des regrets dus à la curiosité. Bref, le passé étant le passé, c'est une question qui n'a pas lieu d'être. (CECI DIT MAINTENANT J'AI UNE VIE DE MERDE et je vais beaucoup m'amuser à reconstruire tout ça)
_____

Voilà. Je vais juste finir sur une note optimiste et me dire que je vais rebondir là-dessus, et que mon prochain projet ne pourra pas être pire. Et non, cette dernière phrase n'est pas un défi lancé à mon karma !



dimanche 28 juin 2015

Exposer son jeu indé, et apprendre la vie en un mois

Hier c'était les remises de prix du concours Hits Playtime 2015 !

Un événement très cool qui s'est déroulé à la Gaîté Lyrique et où chacun est revenu sur un semestre de production de son jeu étudiant. Tout est revisionnable ici.

Des démonstrations qui ont fait écho à pas mal d'autres événements récents où je me suis également retrouvé à exposer mon jeu à leurs côtés, tels que Geekopolis ou Pitch My Game...
Ou encore ce petit truc méconnu à l'autre bout du monde, avec un nom à coucher dehors, genre "Electronic Entertainment Expo" je crois, bref ça n'intéresse personne mais je vais quand même en parler un peu.

En plus c'était vraiment dans un trou paumé...

Donc sur le mois dernier, j'ai vu émerger un tas de projets étudiants et/ou de jeux indé.
Alors, qu'est-ce que j'en retire ?

Conséquence #1 : rencontres et découvertes


Ils sont beaucoup trop nombreux pour pouvoir tous les citer mais ils valent vraiment le coup et certains devraient être sortis sur PC d'ici l'an prochain, c'est toujours sympa de les tester, les feedbacker, les soutenir et enfin se préparer à dire "EH JE LES CONNAISSAIS AVANT" quand ils domineront le monde.

Ce sont des expériences carrément enrichissantes quand on aime fabriquer des jeux en petite team restreinte. Déjà parce que tu rencontres un maximum de monde, et les jeunes indés étrangers, ils sont terriblement balèzes.

Et je suis tombé amoureux de Gardenarium, que je définirais comme un mashup de Journey, Hohokum et Adventure Time.


Conséquence #2 : les feedbacks


Ensuite parce que les gens découvrent ton jeu, voire même, si tu es chanceux, y jouent. Et le cas échéant ils partagent leur ressenti dessus, ce qui peut s'avérer carrément helpful pour la suite de sa conception, surtout quand ils ont le regard innocent d'un enfant tout jeune de 8 ans (comme à Geekopolis), ou d'un enfant moins jeune, genre 60 ans. Il paraît que la Gaîté Lyrique propose un espace où des gens du troisième âge peuvent tester des protos de jeux de petite envergure, et je brûle d'envie d'essayer ça.

Ma vie est accomplie.

Les enfants, c'est imprévisible, et c'est pour ça que je trouve ces occasions assez rigolotes.

Je suis sorti de Geekopolis avec l'idée d'une nouvelle méthodologie de développement pour la mécanique de Kawiteros (le jeu sur lequel je bosse), qui m'a été inspirée par la façon dont une gamine naviguait dans le jeu et expérimentait des trucs.

Elle était haute comme trois pommes, avait cinq ans à tout casser, a pris la manette, et a été celle qui a le mieux compris et maîtrisé le jeu, de tout le public. Elle était assez habituée au contrôleur pour que je la soupçonne d'avoir passé l'an dernier enchaînée dans une cave avec rien d'autre que du pain, de l'eau et un PC avec Super Meat Boy installé dessus.

Bref, cette petite a totalement perfect le prototype du jeu, puis s'est arrêtée d'un coup et a commencé à faire plein de mouvements erratiques dans la mauvaise direction. Alors comme je suis intrigué je m'approche d'elle :
- "Tu sais, la sortie du niveau est juste là à ta droite, tu peux y accéder maintenant que tu as résolu l'énigme"
- "Oui je sais, mais d'abord je veux trouver des glitchs"

...Ok. Dans une quinzaine d'années cette fille ridiculisera Microsoft d'une façon ou d'autre. J'aurais bien cherché à rester en contact avec son papa, mais j'aurais été un gros creep et il aurait probablement appelé la police.

Je ne me suis toujours pas remis de cette rencontre et j'ai réalisé à quel point les gens normaux sont ridicules et insignifiants à côté de génies comme ça.

Conséquence #3 : une guideline précieuse et un long débat avec moi-même, sans queue ni tête (le débat, pas moi-même)


Et enfin il y a la dernière catégorie de testeurs, ceux qu'on a davantage tendance à croiser à l'E3 plutôt qu'à Geekopolis : ceux qui te donnent envie de bosser avec eux et/ou te donnent une batterie de conseils voire d'opportunités pour que ton jeu devienne quelque chose à plus grande échelle.

Pour résumer, tous ces autres projets de Hits Playtime et de l'IndieCade m'ont rappelé un axiome tout con et pourtant tellement capital : il n'y a pas de jeu sans joueur et au fond ceci s'applique à toute démarche créative qui implique un utilisateur final.

Et, tiens, voilà encore une piste pour le vieux débat "le jeu vidéo est-il un art ?" : puisque les jeux sont toujours adressés à un joueur, alors que beaucoup d'artistes font ça pour eux, est-ce que finalement mettre les deux dans la même case ne constitue pas une erreur ? Bon, c'est encore une question qui n'a pas de réponse et je n'ai pas l'intention de m'engouffrer là-dedans (encore), mais je digresse facilement.

On peut creuser ce point de vue en analysant les oeuvres d'art profondément subversives et controversées, mieux connues auprès du public sous le nom de "foutage de gueule" :
• Tu peux faire exposer une toile blanche aléatoirement coulée dans du bitume et tu auras un public.
• À l'échelle du jeu vidéo, créer un fichier .exe qui n'ouvre aucune fenêtre quand tu le lances, ça ne marchera pas.

(L'oeuvre de William Green fait partie de mon top 3 des perles de Tate Modern, et vous pouvez imaginer à quoi ressemblent les deux autres. Et encore, soyons indulgent avec Green, la sienne se défend et il y a une démarche artistique derrière. En résumé : 4/10 would almost buy)

Une vive critique de la société française du vingtième siècle, une société chamboulée par deux Guerres Mondiales et...

Exemple pratique : qu'aurait fait Yves Klein s'il avait été game designer ? Il aurait probablement déposé une mécanique de jeu reposant sur un input seul et un feedback minimaliste. Il se serait peut-être fait connaître pour avoir développé une application qui joue un fa dièse quand le joueur pousse son stick vers la gauche. Mais cela n'aurait pas retenu l'intérêt d'un public. Du moins je crois. J'ai peut-être trop foi en l'humanité. Ou alors à l'inverse, je suis peut-être un petit con irrespectueux de la sensibilité artistique d'autrui. Oublions ça. Je ne suis pas en capacité de juger de la pertinence de ces trucs-là, et je pense que personne ne le peut.

Conséquence #4 : élargir sa vision du game design


Et plus précisément du rational game design. Il y a quelques jours, je trouvais sur Twitter un article de New York University qui a complètement démonté Flappy Bird (dans le sens Ikea du terme, pas de zoophilie ici) pour en exposer chaque paramètre et voir comment évoluait le niveau de difficulté et d'accessibilité du jeu.



[Là c'est le moment où si vous n'êtes pas game designer, la suite de l'article va être chiante. Sorry in advance !]

Le rational game design (RGD) est la méthodologie selon laquelle tout peut être découpé en paramètres (souvent numériques), modifiables un par un de façon à varier l'expérience fournie par un jeu.

L'événement de la Gaîté Lyrique hier, c'était aussi de petites conférences : et lors du talk de Maxence Voleau (replay ici, à 1h12 environ), cette idée a été brièvement évoquée. "Imaginons que je crée un jeu rapidement qui consiste à jeter une balle vers une cible, sur quoi est-ce que je pourrais jouer pour mettre de la variété ?"



Le but était de montrer les process itératifs rapides de création d'un clone d'Angry Birds d'un jeu qui repose par exemple sur une mécanique simple. Ici, il y avait le layout du niveau, le sens dans lequel la faire partir, la quantité de balles simultanées... La liste est virtuellement infinie et on aurait pu en imaginer bien d'autres comme la vitesse, la taille ou le poids de la balle.

À la fin de la démo, il a aussi été rappelé qu'on pouvait sans cesse élargir cette liste en ajoutant d'autres mécaniques qui engendrent d'autres paramètres, comme une inversion de la gravité à l'instant où une cible est atteinte : avec quelle force ? pour combien de temps ?

Voilà, le RGD c'est cool (ça la plupart des designer le savaient déjà), mais il y a un point supplémentaire qui valait vraiment la peine d'être relevé. Un truc grammatical.
Ce petit concept a été pitché en ces mots : "un jeu où l'on peut lancer une balle vers une cible".

Et peu après ce pitch, l'idée de mettre un nombre multiples de balles a été évoquée.

Ce qui m'a intéressé ici, c'est la façon dont l'anatomie du pitch du jeu et sa découpe pour du RGD viennent s'alimenter mutuellement : le pitch, c'est l'art de définir convenablement son jeu en allant droit au but, donc chaque mot compte. Leur fonction grammaticale aussi.

Plus précisément ce talk m'a fait comprendre une guideline cruciale : un bon pitch, c'est un pitch qu'on peut décortiquer pour retrouver les paramètres du RGD du jeu.

Well no, but games are grammar, and I think you'd make a really good designer.


C'est un jeu où l'on peut lancer une balle vers une cible.

Là, j'ai un article indéfini. Je peux en déduire qu'à cet endroit, il y aura probablement une valeur numérique qui va varier au cours du jeu.

C'est un jeu où l'on peut lancer une balle vers une cible.

Et ici, j'ai un verbe. Comme on le dit souvent, un verbe = une interaction entre deux éléments = une mécanique de jeu. C'est le moment de se demander selon quelles modalités ce truc va s'exécuter : avec quelle touche ? souris ou manette ? en maintenant + relâchant, ou en appuyant une fois sur le bouton ? La présence du verbe stipule que ces paramètres existent, mais le pitch ne doit surtout pas les expliciter, sinon il irait trop dans le détail, et ça deviendrait un mauvais pitch.

C'est un jeu où l'on peut lancer une balle vers une cible.

Le choix du sujet n'est pas anodin non plus. Ici, on a mis le focus sur le joueur. Si on avait dit "une balle est lancée vers une cible", on aurait perdu une certaine impression de contrôle, ou peut-être que cela n'aurait pas été la mécanique principale pour le joueur. Si l'on avait dit "une cible est visée par le lancer d'une balle", la tendance naturelle que l'on a à tout recentrer vers le joueur en écoutant un pitch nous aurait peut-être fait penser que le but du jeu est de protéger la cible.

Et une fois de plus, le sujet utilisé ici est un pronom impersonnel, qui laisse donc un doute sur une valeur numérique. Est-ce que le jeu est jouable en multi ? Ça pourrait être un party game où chacun lance la balle à tour de rôle. (Même si, pour le coup, le passer sous silence serait une mauvaise idée et rendrait le pitch ultra-incomplet)

Ce serait génial de découvrir que cette relation entre grammaire du pitch et RGD est systématisable. En bref, je suis peut-être parti un peu loin, mais c'est avec cette longue liste d'outils qu'on peut ensuite entamer le travail itératif dont parle Maxence dans sa conférence. Voilà, donc si par hasard tu lis ceci, merci pour ton talk de samedi !

Remerciements divers :



Laurent Checola, journaliste qui a fondé le concours Hits Playtime il y a quelques temps et grâce à qui les indie wannabe se rencontrent beaucoup plus facilement.

Oscar Barda, game designer qui gère l'espace Jeux Vidéo de la Gaîté Lyrique et permet au public de découvrir ces jeux indés, et a super bien aidé tout le monde à promouvoir ses jeux à l'E3.

Maxence Voleau, game designer que pas mal de mes amis ont eu la chance d'avoir comme prof, et qui m'aura aussi fait couler pas mal d'encre.

Mon carnet #13, parce que les oeuvres de Tate Modern, quand on a pas l'habitude de l'art minimaliste, c'est bien rigolo, et je m'en serais voulu de les oublier. (Le reste de mon top 3, pour info, c'est "Waiting" et "The Burn Hole", et il s'agit précisément de ce que leur nom laisse présager)

• United Airlines, parce que toutes ces heures à réfléchir à la notion de fuseau horaire m'ont donné des idées incroyables.

dimanche 29 mars 2015

Le futur, c'est dur

Ceci est une lettre ouverte à tous ceux qui ont les mains dans le développement de jeux.
Si tu as un pied dans l'industrie vidéoludique, ton avis me sera précieux, et il se peut même que tu trouves ma question intéressante.

Je me présente juste pour poser le contexte rapidement (oui tiens, c'est mon blog et je ne l'ai jamais fait) : j'ai 20 ans, un diplôme (bac+3) en Game Design dans une très bonne école, et j'ai stoppé mes études cette année pour me concentrer sur la production de ce qui était mon projet de fin d'études, un jeu du nom de Kawiteros.

C'est une situation sympa, je bosse en collaboration avec Neko Entertainment, on gère la production en équipe réduite et les choses vont bon train, à ceci près que ma rémunération en tant qu'auteur n'arrivera qu'à la concrétisation du projet, c'est-à-dire tardivement.

Tout le monde me dit "eh mais comment tu fais ça, c'est bancal", ce qui n'est pas faux, et je réponds invariablement : "oui mais, c'est un investissement long terme et une opportunité géniale", ce qui n'est pas faux non plus. La vérité c'est aussi que dans ce secteur, tout achievement intéressant constitue une prise de risques. Jolie mise en abyme quand ton job consiste déjà à créer des mécaniques de jeu.

Donc pour résumer : ma vie démarre (comprendre : je quitte l'easy mode "être étudiant") avec un boulot de game designer / développeur / chef de projet / jongleur / kamikaze, et je m'y accroche parce que c'est représentatif de ce que je veux pour le reste de ma vie.

Quand soudain :

"EH MAIS DIS DONC, T'AS PAS BAC+5, TU VAS RATER TA VIE LOL"

...



...Ah. Ok. Dommage.

Bon. Je ne vais pas rejeter cet avis sans réfléchir : à mon âge et à mon niveau d'expérience, il m'est parfaitement impossible de savoir si c'est ou non le cas. D'ailleurs, je devrais m'inquiéter du fait que cette remarque vienne d'une bonne trentaine de personnes. Mais en réalité je me fiche que ce soit vrai ou non, et j'aimerais qu'on accorde un peu plus d'importance au point de vue inverse, que beaucoup de monde doit probablement partager.

Je suis ce sale connard idéaliste qui demeure persuadé qu'on peut s'en sortir avec autre chose qu'un master dans ce secteur, alors qu'on s'acharne à me prouver l'inverse depuis maintenant trois ans. Et c'est un forcing qui a plutôt bien marché, parce que ce soir je suis là, à cinq heures du matin, à l'avant-veille de la deadline du concours de l'ENJMIN, et je me demande à quoi va ressembler le reste de ma vie. J'envisage actuellement de sortir un plugin pour Unity comme source de revenus à court terme, c'est un peu une bouteille à la mer, et cette expérience va sûrement finir par soit me conforter dans mon idée initiale, soit me faire changer d'avis radicalement.

Les notions de routine et de stabilité me font horreur. Bien qu'on puisse y voir un certain danger, de l'autre côté, tout semble beaucoup plus propice à l'épanouissement professionnel et personnel :
• Je pourrais utiliser ces deux ans à travailler et promouvoir mes propres projets, à un rythme qui me conviendra mieux que celui d'une école.
• Et, de fait, à développer les compétences pratiques dont j'ai réellement besoin, alors qu'un projet étudiant va m'emporter dans ce que je sais déjà faire. (Les "programmeurs par défaut" sauront de quoi je parle)
• Et rencontrer des gens avec qui échanger et travailler. (En restant étudiant aussi, certes. Mais soyons honnêtes, être inscrit à une école uniquement pour des contacts déjà accessibles de l'extérieur, c'est une idée tristement stupide)

Bref. j'ai démarré le concours de la filière développement de l'ENJMIN pour faire plaisir à tous ceux qui m'y ont poussé et retarder l'échéance du choix.
• Le constat positif : le sujet me semble relativement simple et je vois que l'ICAN nous a très bien préparés à ce genre d'exercice.
• Le constat négatif : il y a une lettre de motivation à fournir. Quelle motivation ? Ici j'ai réalisé à quel point c'était bête. Ça aurait ressemblé à ça :

Madame, Monsieur,

Je suis perturbé. Sortant d’un bachelor en Game Design à l’ICAN, j’ai peur que prolonger mes études soit totalement contre-productif. Toujours est-il que si dans les jours qui viennent je venais à me convaincre de l’inverse, ce serait avec grand plaisir que je m’orienterais naturellement vers l’ENJMIN.

Je continuerais volontiers cette lettre mais je viens de griller ma crédibilité rien qu'en me présentant. C'est dommage, on aurait pu faire de grandes choses ensemble. Allez, bisous !



J'ai conscience que tout ça peut sonner horriblement arrogant (et peut-être irréfléchi) de ma part mais c'est le fond de la pensée d'un paquet de gens aspirant à être "indépendants" (un terme passé de mode, qui ne veut plus dire grand chose, mais qui résume bien l'esprit). Et surtout, cet article est le fruit de grosses interrogations. "Est-ce que mon point de vue est vraiment valide ?"
Evidemment que je doute : je suis en train de refuser l'occasion unique de suivre une formation de qualité, dont les projets sortants sont excellents, dont les anciens élèves sont brillants (je parle en connaissance de cause, plusieurs ont été mes profs). Mais je suis parfaitement incapable de me dire que j'en retirerai quelque chose. Alors je passe mon temps à changer d'avis. Plusieurs fois par jour. "Je tente, je tente pas, je tente, je tente pas..."

Finalement je n'enverrai pas ce dossier d'inscription. Parce que toute cette panique a uniquement découlé de la pression que les "pro-master" m'ont mis sur le dos : je ne regretterai pas mon choix, mais en revanche si j'y étais allé je m'en serais probablement voulu. Mais tout ça aura eu le mérite de me faire grandement réfléchir à mon avenir, et me motiver à travailler sur plein de choses.

Je reste donc dans l'état d'esprit tout rose "FOLLOW YOUR DREAMS" et pour le moment c'est ce que je conseillerais sans hésiter à tous ceux qui en auraient la volonté et l'ambition. Ou plutôt je les orienterais vers leurs propres choix en faisant remarquer que personne n'est de bon conseil et qu'il y a ici une superbe occasion de le prouver.

Ceci dit, la question subsiste. Je sais qu'elle ne trouvera pas de conclusion catégorique mais elle gagnerait à être davantage discutée. Alors, faire ce qu'on veut, est-ce que c'est une utopie vouée à l'échec ?

mardi 17 mars 2015

Démonter une horloge biologique

"Ohlalalala je suis overbooké je n'ai de temps pour rien"

Le début du scénario d'une journée classique de beaucoup de monde.
En général, rapidement, ce fil de pensée devient :

"Ohlalalala le temps passe, la nuit tombe d'ici quelques heures et je vais devoir aller dormir"

Pour enfin se poser LA VRAIE question qui nous hante à chaque minute de notre vie :

"Ohlalalala mais qu'est-ce que je vais avoir le temps de faire d'ici là ?"

Ce qui nous amène à la notion d'emploi du temps, dans le sens le plus strict du terme.
"Comment est-ce que je peux employer mon temps ?"

Là, on peut se mettre à argumenter sur ce que représente vraiment une journée, combien de temps elle dure vraiment selon nous, et partir dans ce genre de tergiversations métaphysiques qui consistent à jouer sur les mots simples et en sortir des compliqués pour se donner une crédibilité.
Mais ça n'est pas complètement stupide, parce qu'en fonction de notre résistance à la fatigue, et de quelques autres facteurs douteux impliquant de la caféine et de la taurine en quantités massives, notre fenêtre temporelle est de taille variable.

Tout le monde n'a pas la même notion du temps, ni la même productivité. Ce serait pratique de trouver une mesure qui soit pertinente pour chacun.

Et là, sudden realization : un laps de temps donné, c'est un nombre maximum de contractions musculaires que l'on peut faire avant de devoir céder à la fatigue. Ou à la mort, sur le terme de quelques décennies.

C'est mon doigt qui frappe sur une touche de clavier pour envoyer un message quelconque, ma jambe qui me porte du point A au point B, ou tout simplement mon organisme qui grille mes réserves de glucose pendant que j'essaye de mener une réflexion simple.

Les micro-inputs corporels, c'est une ressource, donc c'est une économie :

• Les mécaniques fondamentales de risk and reward s'appliquent. En gros, je peux courir plus vite pour gagner du temps et réduire les risques de rater mon train, mais je serai épuisé, et l'instant présent ( = la journée) perd probablement en durée de vie.

J'y vois énormément de potentiel pour un hard mode de QWOP.

Le facteur humain s'ajoute à cette analogie, jusqu'à pouvoir évaluer la pertinence d'un investissement (ou d'un non-investissement) :

• Creusons ce système à l'extrême : prenons un kikoolol basique, inapte à parler dans un français correct. (oui ok j'utilise des termes périmés depuis 2005 et c'est un crime, passons)
Est-ce qu'il gagne vraiment du temps en épargnant une lettre sur deux ? Fondamentalement oui, mais la perte de crédibilité qui en résulte peut le rendre inefficient dans certains cadres. Exemple cliché : si j'ai l'air stupide, je n'aurai pas le travail que je veux et je ne serai pas en mesure d'augmenter mon niveau de vie. On peut alors dire que mes inputs auront été mal investis.

Alors dans tout ça, que représente la notion de "minute" ou d'"heure" ?

> Ce sont uniquement des repères de plus grande échelle pour qu'on puisse comprendre de quoi on parle et avoir un repère absolu, un peu comme on se sert des moles pour compter les atomes.
Plus précisément, mieux vaut comparer ici "une minute" et "un gramme" : parce que différents matériaux ont différentes masses molaires, et différents individus sont capables de réaliser un nombre d'actions différent par minute.

Aussi rageant soit ce brave monsieur, il constitue une illustration explicite de mes propos, et aussi une bonne raison de taper dans vos mains tout seul devant votre écran.


En attendant, ironiquement, réfléchir à ça m'aura pris du temps. (forcément)
Alors, productivité ou contre-sens total ?