jeudi 14 avril 2016

Travail et motivation


Sorte de passage obligé propre à pas mal de corps de métier (dont le mien, fatalement), je viens de traverser pour la première fois le "tunnel du crunch". Je suis un cadavre, mais un cadavre heureux.

C’est à la fois satisfaisant et frustrant, sous certains aspects ça booste l’estime de soi ("yay j’ai réussi !") et sous d’autres ça la réduit pas mal ("pourquoi je me dédie à ça ?"). Surtout, au final, ça soulève un tas de questions super intéressantes.

Tout ça m’a donné envie de partager ma vision du crunch : cékoi, quand, pourquoi, comment, est-ce que j’y ai appris des trucs, si oui quoi, faut-il devenir dépressif nihiliste, et quand est-ce qu'on mange.

À noter que cet article n’est pas un post-mortem à proprement parler comme j’en ai fait la fois précédente, parce que la production n’est pas finie mais cette fois je trouve plus intéressant de donner un point de vue à chaud. Donc voilà, ceci est mon middle-mortem du projet SENS ! (ou presque, parce que je ne vais pas parler du projet mais simplement rebondir dessus pour d'autres idées)

Projet sur lequel je travaille avec Red Corner et dont il faut d'ailleurs absolument que je fasse la pub parce qu’il est fabuleux : de l’absurde, et des nouvelles technologies (en l'occurrence la VR). Le jeu est actuellement exposé au Tribeca Film Festival, et toutes les infos nécessaires sont sur son site.

Et je ne dirai rien de plus dessus, ça vous donnera envie de cliquer.



1) Déjà, le crunch, c’est quoi ?


Un crunch, c’est une délicieuse période sucrée et croquante entourée d’une fine couche de chocolat au lait, qui survient habituellement sur la fin de la production d’un projet. Son goût est intense, tellement intense que tu te retrouves à le déguster pendant une dizaine de jours consécutifs où tu ne t’arrêtes pas avant minuit ; mais ça ne compte pas, parce que la notion du temps est totalement effacée par ton obsession de la deadline.

Au final tu y prends goût parce que tu t’y donnes corps et âme, et même si c’est un travail, ça te plonge dans quelque chose qui se retrouverait habituellement davantage dans un jeu ou un sport.

Long story short, pour illustrer l’idée : on est en avril 2016, il y a #NuitDebout, et je me suis surpris à me plaindre du bruit que faisait une manif' contre la loi El-Khomri un dimanche au boulot. Et ça m’a fait rigoler parce que c’est ironique, certes j’ai eu les boules parce qu’il faisait beau et ce jour-là, mais globalement je suis carrément satisfait parce que j’ai avancé et appris des trucs. No regrets !

[Oh et, débat intéressant que j’ai eu récemment : selon les professions, le nom change. Dans le pays lointain du webdesign, ça se dit une charrette et c’est mignon]

*manifestation que je soutiens totalement malgré tout ce que je vais dire. Je suis quand même un être humain oh

Le visage de la mort, et accessoirement un beau placement de produit

2) Est-ce que je suis en train d’appliquer le syndrome de Stockholm au boulot ?


À partir du moment où l’on compare son travail à un jeu (et où on s’expose à quelques regards incompréhensifs), c’est une idée qui émerge forcément de tout ça. But wait : même si le fil de ce raisonnement m’emmène sur cette question tout de suite, il y a plusieurs trucs à clarifier d’abord, donc j’y reviendrai après.

Toujours est-il qu'en effet, ce que je vais essayer de prouver par la suite, c'est que ça n'est pas forcément quelque chose de négatif, et que le verre est à moitié plein, très largement même.

3) En vrai, personne ne le vit aussi bien, sinon tout le monde le ferait


Histoire de faire la part des choses, il faut quand même savoir ce que coûte une telle période avant de se jeter dedans avec optimisme. Ça n'est pas juste "comme une jam ou un hackathon mais en plus long et avec des enjeux réels derrière".

Voilà tout ce qui peut se passer dans la tête d'une personne en crunch :

• Est-ce que je vais y arriver ? Corollaire : est-ce que je vais décevoir ?
• Est-ce que j'ai raison d'y aller à fond ? C'est dangereux non ? si ça se trouve j'ai des limites humaines. Lesquelles ? Est-ce que je vais en découvrir ?
• Est-ce que ça va durer pour toujours ? Il y a des gens pour qui c'est bien pire et bien plus routinier. Comment ils le vivent ? Est-ce que je vais devenir comme eux ?
• Est-ce que je suis en train d'évoluer et de devenir quelqu'un ou quelque chose d'autre ? Est-ce que tout ça va me coûter mes amis et/ou ma famille ?

tl;dr : est-ce qu'une partie de moi va MOURIR


C'est extrêmement dramatique à lire et à écrire mais en vrai ces questions n'existent que fugacement pendant un quart de seconde, puis se collent gentiment dans le background de notre tête jusqu'à ce qu'on puisse souffler, ce qui arrive forcément tôt ou tard (heureusement). Sinon la vie serait très, très triste.

Et c'est une réaction normale et saine parce qu'à ce moment on est sorti de notre zone de confort (et rétrospectivement, ça fait du bien), et aussi parce qu'on a tous déjà vu ou lu des témoignages d'histoires qui ont mal tourné. Et le bout de notre inconscient qui nous dit qu'on est plus trop en sécurité enclenche le mode panique. Mais tout va bien, parce qu'on a d'autres points plus urgentes sur lesquels paniquer

En gros, psychologiquement c'est un petit tunnel, mais le propre d'un tunnel, c'est d'avoir une fin. Donc surtout, et avant tout, c'est un challenge. Et les challenges, c'est cool ! (quand c'est maîtrisé)

1.5) Certaines personnes (dont moi ?) accordent trop d’importance à cette notion


Pourquoi y tient-on autant, au point de lui donner un nom, écrire énormément dessus, et le présenter comme un concept quasi-sacralisé (même si, évidemment et heureusement, c'est ultra-controversé) dans tout un tas d'industries différentes ?

Ce qui saute aux yeux c'est qu'il y a la peur et/ou la méfiance ; le concept de crunch a été médiatisé parce qu'en premier lieu il s'agit de quelque chose qui n'est pas fait par plaisir et qui est juste très gourmand en ressources humaines.
Mais parler de ça ici ne m'intéresse pas (tout le monde le fait déjà, surtout en ce moment). Le fait est que quand on rétroanalyse son crunch il y a aussi un tas d'idées positives qui émergent. Côté réflexion, c'est une mine d'or.

0.4) J'aime apporter de la clarté à mon raisonnement en le numérotant


Déjà, quand on pense "crunch", à différents degrés, inconsciemment tout le monde y voit une forme d'accomplissement. À partir du moment où tu mènes une activité productive régulière (en l’occurrence un travail), tu y cherches de l’épanouissement et tu veux te réaliser dedans. À plus forte raison dans un domaine créatif où on est très loin de la "philosophie bureau", où il faut faire preuve d'une grande force mentale pour ne pas laisser l'habitude de la hiérarchie écraser les ambitions personnelles.
(Dans cette optique-là, être designer ou développeur, c'est vivre en easy mode. Alors si c'est à notre portée, autant en profiter non ?)

À ça s’ajoute un autre bout de ma vision de la société : l’humanité a toujours eu des hobbies et rites initiatiques qui peuvent être vus comme stupides et destructifs. (Désolé mais à un moment il faut quand même l’admettre. Sur ce genre d’aspects on est une espèce animale très très bête, que ce soit pour des raisons de fierté, d'éducation, de conscience de soi et du temps, whatever)

Ceux qui ont vu le début de Game of Thrones auront plein d'exemples concrets en tête.
Comme toute cette confiture de fraise qu'il faut manger pour être accepté chez les Dothraki.

Bref, ces rites existent. Il faut en choisir un ou plusieurs selon l’époque et le pays dans lesquels tu vis. Le rapport que chacun a à ces pratiques, c’est une partie de ce qui le définit ; je ne parle pas d’être systématiquement un mouton et rentrer dans des trips conformistes mais bien de ce qui fait ton originalité. Est-ce qu’en tant que personne tu vas plutôt chercher à les éviter ? À rentrer dedans ? À les faire évoluer ? Dans le cas présent, on cherche une certaine reconnaissance sociale du type "eh regarde, je suis efficace. Souviens-toi de moi !"

Et intérieurement, le mécanisme est présent chez tout le monde, même si évidemment personne ne nous dit ça de façon explicite parce que ce serait la grosse cringe. (Ou plutôt, on connaît tous au moins un mec qui fait ça et on le trouve repoussant. Je me portraye ça avec une chemise à carreaux, des grosses lunettes et un appareil dentaire très voyant)


Cet homme vous rappelle votre course constante à l'approbation sociale.
On le déteste parce qu'au fond, ça pourrait être nous-mêmes. :D

Voilà pourquoi, quand on a réussi à faire une gorge profonde à un sabre devant 4000 personnes, ou quand on vient de boucler une semaine de plus de 70h pour que notre projet soit prêt à être exposé, on a l’impression d’avoir accompli quelque chose de potentiellement utile à notre propre vie. C'est une source de motivation intrinsèque.

Et je trouve ça cool à partir du moment où on se prend au jeu et où on éteint une seconde son esprit ultra-critique ; parce qu’au final, dans l’instant T, on a une occupation, on en est content, et dans certains cas on en retire beaucoup d’autres bénéfices (apprentissage et/ou relations humaines et/ou un tas d’autres trucs qui pavent la deuxième moitié de la pyramide de Maslow).



Bon. Maintenant que je viens accidentellement de balancer un tas d’arguments très dangereux et borderline, qui pourraient aussi bien servir à faire l’apologie du travail forcé, et à cause desquels tout le monde va me taper dessus (à raison), la seconde question s’impose d’autant plus.

2) Alors, syndrome de Stockholm ou pas ?


(Aka « suis-je fou ? » ou « il faut absolument que je nuance mes propos »)

Alors, le truc délicat, c’est que tout ça s’applique à des corps de métier où, en premier lieu, on adore vraiment tout ce qu’on fait, alors que l’idée de Stockholm renvoie à un ravisseur, un méchant ; d’après moi, ce serait stupide de diaboliser le travail au simple motif que c’est un travail.

Peut-être que tout ce que je viens de dire est une sorte de définition des milieux créatifs. Peut-être surtout que tout ça est juste grandement soumis à la subjectivité de chacun (et que par voie de conséquence je suis un monstre et qu’il faut me brûler et/ou m’envoyer dormir).
L'autre chose à prendre en compte, c'est que je n'ai tenu ce rythme que sur une courte période ; j'en ai connu de plus longues, qui m'ont un peu détruit sur plusieurs aspects, et à ces périodes-là j'aurais été bien incapable de tenir ce discours-là sur le moment.

Donc évidemment que toutes ces opinions sont à prendre avec des pincettes. Et surtout, abuser d’une passion, ça existe (je n’enfoncerai jamais assez ce clou), et peut-être que sortir d’un tel piège m’a donné un engouement de fou pour tous mes projets à venir.

WOAH, UNE VRAIE ÉQUIPE, SOUDÉE

WOAH, DU PRODUCING

WOAH, UN CONTRAT, AVEC DE LA LÉGALITÉ


Voilà tout ce qu'il y a derrière le rythme qu'une personne peut s'imposer (et/ou accepter de se faire imposer), et voilà pourquoi dans le fond ce sont des expériences fabuleuses.
Parce que bien souvent, tout ce qu'on peut retirer comme bénéfice de ceci (pendant et après), dans la vraie vie, c’est loiiiiin d’être acquis.


dimanche 24 janvier 2016

Et si j'écrivais ?


Imaginons. Je dis bien IMAGINONS. Que j'aie envie d'écrire.

Oui oui oui, écrire, bien qu'au premier abord ce soit un passe-temps qui sonne relativement ambitieux voire ridicule, parce qu'entre douze et quinze ans tout le monde s'est déjà essayé à la fiction, et l'a probablement amèrement regretté. Mais je suis curieux ! Et peut-être un peu culotté, ou stupide, parce que je suis encore loin d'avoir lu les incontournables qui devraient constituer mes références avant de vouloir faire quelque chose de complet et d'intéressant.

Aussi, je suis mal barré, parce qu'après à peine un paragraphe, je fais déjà des phrases trop longues à mon goût, et puis regardez ces tournures, bordel, "faire quelque chose de complet et d'intéressant", paye ta pauvreté lexicale. Je suis aussi un peu refroidi par le fait qu'en 2016, les gens qui écrivent des choses finissent quasi-inexorablement rangés dans une case parmi deux possibles : les "gros fragiles" ou les "grands écrivains", or la limite est aussi fine que lointaine. Néanmoins, s'y atteler par curiosité, c'est fun ; du coup, malgré tout, j'ai bien envie d'essayer de ne devenir ni l'un ni l'autre.

Ainsi démarre ma première histoire, écris-je en me dépêchant de reboucher le quatrième mur : l'histoire d'un ennui profond par une après-midi d'hiver vraiment laide, et qui finit par me conduire à écrire, en se demandant où tout cela pourrait mener.

Alors sur ce, j'écris, parce que cette histoire ne va pas apparaître toute seule, et je récupère ma concentration, replongé dans une atmosphère musicale beaucoup trop forte pour que quiconque puisse s'entendre penser (et pourtant je trouve ça plutôt efficace, allez savoir). De toute façon, mieux vaut que je reste entre ma chaise et mon écran, vu l'état actuel du ciel ; il fait quasiment nuit, il fait gris, il fait froid, il y a du vent, on nage en plein dans cette ambiance déprimante stéréotypée qui dissuade tout le monde d'aller dehors. Qu'est-ce que je pourrais faire de plus de ma soirée ?
Rien qu'en y réfléchissant, je me retourne et je vois deux arbres morts par ma fenêtre, qui cachent (ou du moins essayent) tout un groupement d'immeubles dont pas un seul appartement n'a l'air occupé. Fenêtres fermées, lumières éteintes. Un quartier de banlieue tout morose en somme.

Je suis las de décortiquer mon environnement visuel qui est vraiment tout sauf inspirant, alors je continue à rédiger jusqu'à ce que ma notion du temps tombe en lambeaux.

De fil en aiguille, et après une relecture brève, je devine que les lecteurs qui sont peu habitués à ce style d'écriture plus lourd vont s'ennuyer, ou au moins reprocher la densité des descriptions et le fait que tout cela tourne beaucoup autour du pot. "C'est vrai quoi, on est pas dans un roman !" C'est vrai. Mais pour ce genre de réclamations, vous irez vous adresser à l'auteur. Ça n'est pas du tout de ma faute, uniquement celle de l'auteur. Moi je suis simplement le narrateur et héros de cette histoire, alors calmez-vous tout de suite. Vous croyez que c'est moi qui ai tout imaginé juste parce que vous lisez ceci avec ma voix ? Non ! Je suis à mon bureau en train d'écrire et il fait très moche dehors, c'est tout. Si je pouvais choisir le temps qu'il fait, je le saurais...

En revanche, puisque c'est MON histoire, j'y fais ce que je veux. En plus, depuis votre statut de lecteur, vous êtes tous totalement impuissants, parce que ce récit, par définition, a déjà été écrit jusqu'au bout. Ce qui fait que vous êtes à ma merci et vous ne pouvez plus changer son déroulement. Du tout. ALLEEEEZ. ALORS, QU'EST-CE QUE TU VAS FAIRE ? HEIN ? GROS MALIN.

Je pourrais aussi altérer votre expérience de façon irréversible en lançant des spoilers alors que le coeur de l'action n'a pas encore véritablement commencé. D'ailleurs, le héros meurt à la fin. VOILÀ. Vous ne pourrez plus du tout vous y attacher de la même manière à présent. De rien~

Bon. J'ai quand même une histoire à écrire. Introduisons.

Je reviens à mes moutons. De l'autre côté de ce groupement d'immeubles vit une petite famille calme : les Smith. Ils passent toujours l'hiver à jouer, lire et cuisiner ensemble, et aujourd'hui ne faisait pas exception. John Smith était un homme sympathique au demeurant, et cette soirée démarrait bien : il allait fêter son premier anniversaire de mariage. Quand soudain...

...

NON

NON NON NON

• C'est une situation on ne peut plus bateau.
• La façon même de l'introduire est terriblement mauvaise et ne donne absolument pas envie de savoir ce qu'il va advenir de ce John. Qui s'intéresse à dépeindre ce genre de banalités de nos jours ? Je me le demande vraiment.
• D'ailleurs, "John Smith", sérieusement ? Cette onomastique est À CHIER
• Et de toute manière, tout le monde sait déjà qu'il va mourir, parce que je l'ai dit deux paragraphes plus haut. Impossible de s'intéresser à ça.

On va changer d'histoire.

Cette fois-ci, ce sera une narration qui accroche réellement, qui pourra même finir sur un cliffhanger. Quelque chose de psychologiquement déstabilisant, où tout le monde se pose des questions sur la nature même ce qu'il est en train de lire. Mais une chose sera sûre : chacun, à sa façon, va trouver ça marquant, même s'il reste sur sa fin. Ce sera révolutionnaire. Et vous savez comment je vais construire ça ? Je vais

mardi 5 janvier 2016

Deux mille seize

Disclaimer : cet article contient onze fois le mot "technique". Mais la première moitié est safe.



2015 EST FINIIIIIIIIIIIIII

LIBERTÉÉÉÉ

Todolist du début d'année :
La cuite, check.
La vague de sms, check.
Les inexorables voeux de bonheur "je souhaite la paix et l'amour sur tes enfants et tes chatons et que cette année marque le début d'une ère de gloire qui te sourira pour les éons à venir", check. (ok je n'ai dit ça à personne mais en vrai je le pense et je vous aime)

Et donc, maintenant, c'est l'heure des résolutions grandioses qu'on ne va jamais tenir.

(Source : Channelate)


Comme la plupart du temps, ce sont des trucs qui touchent soit à la santé soit à la productivité.
De mon côté, comme d'habitude je suis plutôt en forme (et que souvent ma santé, c'est zero fucks given, soit à peine moins que mon nombre quotidien d'heures de sommeil), une fois de plus je vais me pencher sur ce que j'ai l'intention de faire / accomplir / créer.

(Et si certains me disent que ça sonne mégalo je leur répondrai que c'est eux qui devraient l'être davantage ; les ambitions ça ne coûte rien et c'est un moteur plutôt sympa. Sans même que vous ne vous en rendiez compte votre cerveau peut générer plein de trucs incroyables, dont certains vous permettent même d'obtenir un toit sur la tête, de la bouffe, de la reconnaissance publique et un paquet d'épanouissement personnel, alors éclatez-vous à l'utiliser !)

C'était la parenthèse encourageante de début janvier.
NOW SHUT UP AND GO BE AWESOME. OK? I LOVE YOU


Alors ma résolution totalement stupide de 2016 sera de mettre régulièrement à jour ce blog me mettre à tendre vers tout ce qui m'inspire réellement.
Ok cette phrase ne signifie pas grand chose. Alors, mes inspirations, c'est quoi/qui ? Pour faire simple, ce sont les oeuvres (et les gens derrière) qui mettent en place des univers où à la fin, tes capacités cognitives et tes 5 sens sont tous contents en même temps. En français il y a un mot pour désigner ça, mais il fait beaucoup de lettres, il est tout le temps utilisé à mauvais escient, et il convient mal dans ce contexte.

Derrière cette définition assez vague et pompeuse, il y a l'idée des one-man armies qui arrivent à simultanément écrire des histoires, s'improviser musiciens, aboutir à des résultats visuellement beaux, et accessoirement développer des jeux où tout ça se répond, avec cohérence (et en intégrant le gameplay à ce mix).
(inb4 "et le goût et l'odorat dans tout ça ?" : J'expérimente des trucs en cuisine chez moi, et tant que je suis vivant c'est que ça se passe bien.)

Ceci se fait de plus en plus souvent par le biais d'un jeu : c'est le support qui peut (à mon sens) le mieux lier univers narratif, visuel et sonore (et maintenant sensoriel) en y ajoutant une couche d'interactivité dont l'exploitation est très variable selon l'auteur. Je vais donc resserrer le sujet de la suite de cet article au jeu vidéo, mais il faut garder à l'esprit que tout ce qui va suivre tient certainement aussi bien la route avec le cinéma, le théâtre, la peinture...

Et côté jeux, un type a fait ça avec brio récemment, et tout le monde parle de lui depuis deux mois : Toby Fox, lui-même inspiré par le monsieur que j'admire le plus pour tout ce qu'il a fait ces vingt dernières années : Junya "Zun" Ota, le papa de la série Touhou Project, qui a commencé par une suite de shoot'em up, et qui est maintenant une mythologie énorme, une longue discographie et la plus grosse licence indépendante japonaise.
(Et que tout le monde connaît probablement sans le savoir, la faute aux fanbases incontrôlables)

Au fait, "licence indépendante" ça n'est pas un peu antithétique ?
en ce moment g du mal a parlé la fransse


Bref, je ne vais pas m'étendre davantage sur Undertale ni sur Touhou, parce qu'Internet tout entier le fait déjà très bien depuis très longtemps, mais Fox et Zun sont des gens qui ont compris énormément de choses sur les façons de mettre en valeur un univers, un personnage, un sentiment. Entre autres, le gameplay du jeu de tir vertical s'y prête de façon étonnamment optimale, étant donné sa capacité à associer ensemble une confrontation, une personnalité, un dessin, un mouvement, une phrase musicale, un rythme, et même une évolution.

Et une telle coordination à l'échelle transmédia, comme le suggère Jesse Schell dans The Art of Game Design (qui est réédité cette année, go grab it !), c'est une chose qui requiert la fibre artistique et les efforts d'une seule personne.

Credits : Jeux Video Magazine


Il y a quelques jours (semaines ?) se tenait à la Cité des Sciences de Paris la masterclass de Julien Merceron, le directeur technique qui a travaillé successivement chez Ubisoft, Eidos, Square Enix, Konami. Toute cette soirée a été très instructive, et une question qui lui a été posée a attiré mon attention : "quelle est la quête de ta vie ?"
Et dans sa réponse, il a clairement explicité qu'il aspirait à être le meilleur CTO du monde du jeu. (Ce que je lui souhaite si ça n'est pas déjà le cas !)
Or, toujours dans l'optique d'adopter l'approche généraliste des jeux indépendants mentionnés plus haut, et faire passer un message en jonglant entre plusieurs domaines, cette question en soulève une autre tout aussi intéressante.

Si, à l'inverse, nos intérêts principaux ne sont pas dans la technique pure mais dans la créativité et la diversité artistique, notre "quête" dans le monde du jeu vidéo, c'est quoi ? Et, dans un cadre encore plus large, notre quête tout court, c'est quoi ?
Et est-ce que les jeux sont le meilleur média pour y parvenir ?
(bon ok je pense que oui, sinon je n'y consacrerais pas ma vie professionnelle, mais la question reste pertinente. Par exemple, et si Undertale avait été un film, ou un livre, ou un webcomic ? D'autant que cette question n'est pas étrangère à l'auteur)

Ici on touche à un domaine différent, qui ne relève plus du tout du métier de développeur et encore moins de directeur technique. En fait ma question de fond avec ce "quelle est ma quête", c'est plutôt : "est-ce qu'approfondir mon bagage technique autant que possible va m'aider ?", et la réponse est non.

Waaaaait. Cette dernière phrase ne vient pas totalement de cracher sur le job de développeur (après tout c'est aussi mon métier), mais je vais quand même m'expliquer davantage.

"Non" dans le sens où les moteurs de jeux existants sont des moyens d'expression très (trop) largement suffisants, alors qu'il reste des évolutions considérables à apporter du côté de l'écriture et du design.

Bien sûr, être en mesure de pouvoir développer n'importe quoi est un prérequis vital si l'on veut faire nos propres jeux, mais ça ne demande clairement pas un doctorat en la matière. Si on garde l'exemple d'Undertale, c'est loin d'être une prouesse technique, et il a été produit avec Game Maker, dont la dernière version date de 2011 (c'est à dire, vieuuuuuux, bien que toujours d'actualité).
D'autant qu'aujourd'hui, on a Unity qui nous offre une marge de manoeuvre quasi infinie pour subvenir à nos besoins créatifs en un temps vraiment minimum : pas de contrainte préexistante, pas forcément orienté vers de la 3D comme l'Unreal Engine, interface partiellement recodable...
(en gros c'est une feuille blanche quoi)

La pointe de la technologie, regardez ces gros modèles 3D, les lens flares partout, et tous ces continents procéduraux

Bref. Ce sont des détails techniques, et les détails techniques on s'en fout.

Ce que je veux justement dire, c'est qu'à un moment donné, accroître nos capacités techniques outre-mesure ne fera pas de nous des créatifs accomplis, et que dans ce but-là, passé un certain seuil de maîtrise, le temps d'apprentissage qu'on se donne est beaucoup mieux utilisé à dessiner, composer, écrire, lire. Et ce seuil, c'est à nous de le déterminer, selon la forme qu'on veut donner à nos productions, et selon ce qu'on veut faire avec ce bagage technique (éventuel).

Et là, on sort du pôle technique (qui est un peu devenu notre zone de confort, parce qu'on était jusqu'ici dans l'apprentissage de trucs rationnels et existants, que d'autres personnes savent déjà faire), et on part se poser des questions d'un autre ordre, plus constructives mais moins évidentes.

Un de mes centres de curiosité #1 : les façons de briser le quatrième mur. Ça doit faire une trentaine d'années que le jeu vidéo est un moyen d'expression vivant et solide, avec lequel on peut raconter des histoires, c'est encore jeune, et c'est encore une mine d'or.


...

WOOPS

J'AI DIGRESSÉ


Alors alors ma bonne résolution de 2016.


"Me mettre à tendre vers tout ce qui m'inspire réellement", au vu de tout ce qu'on vient de dire, ça touche une échelle temporelle qui dépasse largement celle d'une année. Ce serait simplifier et vulgariser le process jusqu'à ce que tout ça devienne totalement débile et improductif, non ? C'est pour ça que les gens n'arrivent jamais à tenir leurs résolutions.

Alors je vais juste en prendre un "petit" morceau.

"I failed my life at 5 by not learning to make music and I still can't face it" for dummies

Et vous ?